Je bouquine (6)

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Petit compte-rendu des lectures d’été…

Un choeur d’enfants maudits : j’avais entendu beaucoup de bien du livre de Tom Picirilli (dans Mauvais genre sur France Culture, entre autres). Malheureusement, il s’agit d’un livre qui pourrait servir de scénario à David Lynch. Comprendre que le personnage principal est un riche propriétaire séduisant, maître de facto – au grand dam du sherif local – du comté de Kingdom Come (et rien que le nom). Les personnages, du sherif d’un mètre cinquante portant stetson et talonnettes pour grandir son autorité, aux trumeaux siamois (par les lobes frontaux), sont hauts en couleur, et le tissu de relations qui les lie semble bien goupillé.

Mais l’alternance rêve / réalité, l’ambiance de consanguinité au sein du bayou et la galerie de Freaks me laisse assez indifférent. On ne voit pas bien où ça va, pourquoi tout ça, même le sens au delà de l’anecdote me paraît assez abscons. C’est, comme vous le diront nombre de critiques sur le net, un roman d’ambiance. Formidable. Et après ?

Pavane : là encore, une référence de l’Uchronie citée à maintes reprises dans Mauvais genre. Pour la petite histoire, je l’avais acheté lors de ma formidable épopée à base de pneus crevés, de vis et de mèches de perceuses… Le postulat de départ du roman de Keith Roberts repose en deux points : Elizabeth Iere est morte assassinée juste avant l’attaque de la Grande Armada, laquelle attaque est un succès. L’Angle-Terre est donc une terre catholique, et l’Europe – voire le monde – est sous la coupe de Rome. Le démarrage est assez long (cela commence avec une locomotive, tout un signe), et s’enchaîne avec une présentation du monde qui se révèle au fur et à mesure, une histoire.

Contrairement à Chroniques des années noires de l’insupportable Kim Stanley Robinson, les 6 nouvelles forment un tout, mais moins uni que celui de Fatherland, de Robert Harris. C’est très bien écrit, la présente édition bénéficiait d’une excellente traduction – mais d’une couverture hideuse -, et pourtant le tout me laisse assez froid. Déjà le genre littéraire de l’uchronie me laisse un goût d’inachevé : j’aimerais, alors que c’est à la fois impossible et hors de propos, que l’histoire alternative rejoigne la notre. Concernant Pavane en particulier, plusieurs points me chiffonnent.

Historiquement, tout d’abord, je trouve curieux que la défaite de la seule Église Anglicane permette la suprématie de Rome : tous les conflits lutheriens et les guerres de religions du Vieux continent n’étaient pas financée par Londres, que je sache. Admettons cependant que la Grande-Bretagne ait été THE épine dans le pied du Vatican. La pression d’un clergé obscurantiste n’aurait sans doute fait qu’accélérer la Révolution Française, et donc la fissuration de l’unité européenne vaticine. Problème de cohérence de l’univers, donc.

Par ailleurs, et c’est bien plus problématique, je trouve la morale assez douteuse : l’Eglise – et la dictature intellectuelle – y est en effet présenté comme une solution nécessaire à la barbarie. Il faudrait qu’une puissance éclairée contraigne les peuples et ses progrès pour contrôler leur évolution vers un Age d’Or idéal, quitte à pratiquer elle-même toutes les barbaries (inquisition, refus de la médecine chirurgicale…). Tout cela sous couvert d’un utilitarisme on ne peut plus discutable (sacrifier “quelques” uns pour le bonheur de tous). Le texte a été écrit en 1968, et me paraît paradoxalement réactionnaire et assez douteux sur le message qu’il fait passer.

Les joueurs de Titan : je parlais de qualité de traduction et d’édition juste au dessus, Philip K. Dick n’est pas servi avec celle de son roman parue en 1990 chez Pocket. Une faute de typo toutes les deux pages, une traduction à vomir, bref, il m’a fallu m’accrocher pour passer le cap des 60 premières pages. Celles-ci s’avèrent finalement être une exposition qui permet un retournement assez phénoménal, et un démarrage d’intrigue qui ne s’arrête plus. Problème, cependant : l’histoire part dans un délire assez confus où on n’arrive plus à distinguer les humains, les humains possédés par les extra-terrestres, les extra-terrestres déguisés en humains et les extra-terrestres… Volonté de l’auteur dont le personnage principal est un maniaco-dépressif drogué (mais alors pourquoi passer par des réflexions internes à d’autres personnages, dont certains sont très secondaires ?), réel problème d’écriture d’un roman trop vite écrit ou traduction absolument abominable ? Je pencherai par indulgence pour Dick pour la troisième solution, tout en me méfiant : il y a certains passages qui ne peuvent être le fait du seul traducteur, et qui sont forcément présents en VO. Méfiance donc (le roman a été écrit à l’époque industrieuse de l’auteur).

Le roman reste de bonne qualité, mais il faut sans doute le lire en VO ou dans une bonne traduction.

 

C’est tout pour le moment. Pas eu beaucoup de temps pour lire, mais je n’ai pas été aidé non plus… des photos bientôt 😉

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